Article du 1 mai 2014: De San Francisco à Big Sur
- samuelgagn
- 1 mai 2014
- 5 min de lecture
Déjà une semaine de passé depuis que j’ai quitté le Québec. C’est le temps de faire le point.
Voyager à vélo
L'océan d'un côté, la nature de l'autre, pédaler le long de la côte est un plaisir sans pareil. De magnifiques paysages à perte de vue, des plages désertes. J’aime sentir la vibration de mes roues sur le macadam, le vent dans mon visage, le soleil sur ma peau. La région de San Francisco, avec ses vallons innombrables, offre un spectacle saisissant à qui veut bien l’apprécier. Ce contact direct avec mon environnement me réjouis et j’en viens à plaindre ses pauvres automobilistes qui ignorent ce qu’ils manquent dans leur coquille de métal, pris dans le trafic. La liberté que me procure mon mode de transport est impressionnante. Ne pas avoir à dépendre du pétrole est sans doute ce qu’il y a de plus satisfaisant. C’est d’ailleurs l’une des trois pensées qui me viennent à l’esprit lorsque je monte une côte sans fin. Ça, la célèbre loi de la gravité :
«Tout ce qui monte, redescend»
Et une phrase toute simple que quelqu’un que j’aime beaucoup m’a apprise :
«No pain, no gain»
C’est dans cet état d’esprit que j’ai quitté San Francisco dimanche passé. Je me sentais paisible et à ma place après avoir passé un samedi tranquille en compagnie de Clark et de Eva. Suite à ce premier parcours de près de 80 kilomètres de la baie jusqu’à Pescadero, je me demandais bien où passé la nuit. Épuisé, c’est avec bonheur que j’ai découvert que mon Iphone enregistrait les messages que je recevais (donc, pas besoin d’avoir accès à internet)! Youpi! J’avais toutes les indications pour me rendre jusqu’à la yourte de John Morris. Cela m’a convaincu de l’utilité d’un téléphone intelligent (j’étais assez pessimiste au début). Ho, il est primordial que je prenne un moment pour souligner le geste de John.
J’avais contacté John via le réseau warmshower (warmshower.org, un réseau d’hébergement pour les cyclistes, vraiment génial en passant) en lui demandant l’hospitalité pour la nuit. Celui-ci n’a pas hésité un instant et il m’a envoyé toutes les informations pour ce rendre jusqu’à son petit domaine et comment utiliser ses commodités (génératrice, eau potable, cuisine…) et ce, malgré le fait qu’il n’était pas là. Ce n’est que le lendemain matin que j’ai pu le rencontrer et lui exprimer ma reconnaissance. Bref, une telle générosité et confiance en autrui m’a profondément touché. C’est ces petits moments-là qui me rendent heureux et me rassure quant à l’avenir de l’humanité, surtout quand mes jambes me tiennent à peine debout.
Le lundi, je me dirige tranquillement vers Santa Cruz où je m’arrête chez Paula Barsamian. Je n’ai pas eu l’occasion de visiter cette ville considérant que je suis arrivé à la tombée de la nuit. De toute façon, je préfère aller à la rencontre de Samuel (un autre Samuel qui parle français!). M’accueillant dans son studio de musique, je fus ravi de retrouver mon ami (nous avions passé un séjour dans un centre de méditation Vipassana ensemble l’automne passé) et d’admirer son talent de guitariste! Selon moi, Samuel incarne bien la «vibe» californienne; artiste à ses heures, conscientiser aux enjeux de la planète, ouvert sur le monde, fier adhérent au mouvement de contre-culture (qui à toujours lieu), vivant dans une belle baraque avec sa femme et sa fille. Ils m’ont hébergé tel un roi sans s’indigner que je m’endorme à la première occasion. Un grand merci!
De Santa Cruz à Monterey
En ce qui concerne la journée d’hier… chaleur intense, beaucoup de trafic, très peu d’indication… Une route longue et épuisante au travers des champs. J’ai fait des rencontres très utiles certes, mais le moral n’y était pas. La motivation n’était vraiment pas au rendez-vous. En arrivant à Monterey hier, j’avais une seule envie; trouver un endroit tranquille où dormir. Grâce aux recommandations d’un serviable cycliste et des indications de ses joueurs d’ultimate (avec qui j’ai joué un match rapidement), j’ai pu trouvé le «Veterans’ memorial campground». En pleine nature tout en étant à deux pas de la ville, l’endroit en vaut la peine. Surtout au coût de 6 $ pour les cyclistes.
Big Sur, me voici!
Demain, une nouvelle épreuve débutera, Big Sur! Cette partie de la côte californienne de 140 kilomètres de long et pratiquement inhabitée promet d’offrir des vues incroyables. «S’il y a un endroit à visiter, c’est bien celui-là» résume l’avis général des Californiens. Bien que je redoute l’isolement et l’altitude de 1 600 mètres à gravir, je suis excité à relever ce nouveau défi. Je pense prendre de 2 à 3 jours pour atteindre San Simeon, la prochaine ville importante. Donc, je fais présentement le plein de repos et de provisions. Ayant dans les derniers jours continuellement modifier et ajuster mon vélo, celui-ci devrait aisément passer ce cap sans problème.
Alimentation
Avoir un régime végétarien est à prendre en compte lorsque l’on dépense entre 2000 et 3000 calories par jour. Manger beaucoup mais en petites portions, régulièrement, semble être la solution. De l’avis général, il ne faut pas attendre la faim car les muscles ont besoin d’un constant apport de nutriments. C’est un des plaisirs du vélo, avoir un appétit si grand que tout semble délicieux! J’ai continuellement avec mon un mélange de noix, graines et fruits séchés, des bars tendres et des plats déshydratés. Ceux-ci sont toujours utiles mais ce que je préfère par-dessus tout, ce sont les fruits biologiques fraîchement cueillis de la Californie. Surtout que c’est la saison des fraises présentement! Quel délice! Dès que je vois un petit kiosque de fruits et légumes biologiques, je n’hésite pas; je m’arrête et j’achète quelque chose. Bien sûr, ceux-ci sont plus chers que les produits issus de l’agriculture conventionnelle mais ho combien plus savoureux! Je vous l’assure, c’est incroyable. Et comme me disais ce génie de Clark en me remettant humblement un billet de trois chiffres :
«L’important c’est de donner ton argent à ceux que tu aimes»
Encore une fois Clark, bravo. En effet, j’aime ces audacieux fermiers qui offre leur vie au bien-être des autres tout en se battant contre des multinationales qui eux, s’en contrefous de vous et moi. Ils donnent une alternative à l’agriculture conventionnelle et tous ses défauts. C’est donc avec plaisir que je les supporte, ils rendent mon aventure plus agréable.
Puis, quand les gens me donnent de l’argent (comme cela arrive de temps en temps), je sens la responsabilité de la dépenser rationnellement ou, du moins, en respectant un certain sens éthique. Alors, j’en profite pour visiter tous ces petits commerces originaux qui longent la côte californienne.
Los mexicanos, le « cheap labor» californien
De plus, en traversant ces immenses champs de fraises, artichauts et autres, il y a une constante; ce sont tous des mexicains (enfin, latinos américains) qui effectue ce dur travail sous un soleil intense. Une charmante vieille dame (avec qui je mangeais de ces artichauts fris, un mets local) me disait qu’il n’y a rien de plus dure que ce boulot. Ce qui fut corroboré par un de ces travailleurs à qui je me suis adressé. Celle-ci s’empressa d’ajouter qu’il y a plus de latinos dans la région maintenant que de caucasiens. Bien que je n’aille aucune difficulté à la croire, je serais prêt à parier que cette majorité mexicaine possède un nombre restreint des nombreuses terres agricoles de la région. La minorité blanche est propriétaire et l’ethnie dominante est ouvrière. Hum, l’histoire qui se répète. C’est même un «running gag» de la Californie, tout ce bon marché de travailleurs étrangers qui prennent «toutes les jobs».
«Il faut qu’ils fassent leur place dans la société, non»?
Je ne suis pas si sûr que cela justifie leur situation de précarité. Et même si ceux-ci font beaucoup d’argent (c’est un commentaire que j’ai souvent entendu) cela rend-t-il la chose plus éthique? L’argent n’a que la valeur que la société humaine veut bien lui donner et est bien futile dans l’accomplissement personnel de chacun. Enfin, c’est dans ces moments-là que je rend compte que la liberté est très rare et que je suis extrêmement chanceux.























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