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Le long de la Carretera austral au Chili


Le Chili est un long pays longeant la côte ouest du sud de l’Amérique du Sud. Il partage une frontière avec le Pérou, la Bolivie et l’Argentine. Isolé du reste du continent par la cordillère des Andes, marquant sa séparation avec son voisin argentin, le Chili est le pays le plus culturellement différent du reste de l’Amérique latine que nous avons traversé. Un exemple significatif est le concept de propriété privée, qui ressort particulièrement dans cette contrée. Nous ne pouvons pas planter nos tentes n’importe où. De plus, le Chili possède une diversité de climat unique. Du désert d’Atacama au nord (le plus aride au monde) aux vertes vallées vallonnées de la Patagonie au sud, il y en a pour tous les goûts. Néanmoins, nous ne nous contenterons que de traverser une partie de la Patagonie chilienne, de Futaleufu à Villa O’higgins. Pendant 19 jours, nous parcourrons la Carretera Austral, route célèbre sillonnant l’extrême sud du pays. En chiffre, ce sont 1034 km, 15 jours à vélo et quatre de repos, pour une moyenne de 54,43km par jour (ou 68,93 km par jour sans les pauses). En matière de dépenses, ce sont 12,88 $CAD par jour, soit trois dollars de plus que la moyenne du voyage, le niveau de vie étant plus élevé au Chili. Enfin, nous avons passé huit nuits de camping et cinq chez l’habitant.


Le 10 novembre 2015, nous entrons au Chili par la frontière de Futaleufu. Petit point de contrôle confiné au milieu des montagnes, l’endroit est magnifique, tout l’inverse de la steppe aride d’où nous arrivons. Nous longeons des rivières aux eaux limpides entourées de petits sommets aux pics enneigés. La Patagonie chilienne est reconnue pour sa beauté et c’est avec une joyeuse allégresse que nous entamons cette nouvelle étape.


Premier inconvénient rencontré ; nous devons jetons toute la nourriture fraîche que nous venons d’acheter du côté argentin, car les Chiliens ont des lois sanitaires très strictes. C’est alors que nous faisons une overdose d’oignon cru (nous en avions toujours une bonne réserve avec nous) et de fromage crémeux, ne pouvant nous résigner à simplement les jeter. Par contre les feuilles de coca que je traine depuis la Bolivie passent sans problèmes.

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Deuxième inconvénient ; difficile de trouver un endroit où dormir. Au village de Futaleufu, nous demandons vainement pour un espace pour la nuit aux quatre coins de la communauté. De plus, on nous assure que toutes les terres sont privées dans les parages et que le «camping sauvage» n’est pas toléré. Or, à la défense des habitants de là-bas, cette région de la Carretera austral est très touristique et il est par conséquent difficile de concéder gratuitement un accommodement à des étrangers. Peu importe, nous trouverons un petit coin accueillant près d’un cours d’eau pour jeter les tentes.


Le lendemain, nous traversons un pont surplombant une rivière qui nous apparaît particulièrement appropriée pour effectuer un petit saut vertigineux. Clément me met au défi de le suivre, ce que je ne peux décliner. Les trois l’un à la suite de l’autre, nous nous élançons de la falaise près de la route dans le bouillon se trouvant en bas. En remontant à la route après notre saucette, un bus de touristes nous surprend en sous-vêtement. Nous sommes ainsi contraints de prendre des photos avec un groupe de femmes âgées en délire, dont une qui ne put s’empêcher de flatter Clément. Nous faisons les fiers devant ce franc succès.


Comme déjà mentionné, l’environnement qui nous entoure est des plus remarquables. Ce sont des forêts ultras denses, avec une quantité de cours d’eau et de montagnes. Cette nature sauvage et en même temps si accessible a tôt fait de nous séduire. Seul désagrément ; il pleut souvent, un peu trop souvent. Nous sommes souvent trempés, ce qui limite le confort et l’envie de dormir dans une tente. Cette contrainte prise en compte, nous avons redoublé d’efforts pour trouver des endroits (souvent incongrus) où dormir. Par exemple, le 12 novembre nous dormons dans un ancien camp de travailleurs (avec le gentil gardien qui nous fournit en bois pour le feu), le 13 nous squattons une belle cabane abandonnée au bord du lac Torres et le 14, nous occupons la 2e maison de Juan, petit shack au fin fond des bois. Aussi, ce mauvais temps nous prive parfois d’admirer de beaux paysages par temps couvert.


Sur la route, nous croisons nombre de cyclotouristes avec qui nous sympathisons. Nous qui n’en voyons pratiquement jamais, nous sommes de prime abord ravis de rencontrer des partenaires de route, avant de trouver cela banal au bout d’un certain temps. C’est incroyable la quantité de cyclistes qui viennent de tous les continents qui vagabondent par ici. Nous sommes vraiment dans un lieu mythique du cyclotourisme.


Nous roulons six jours avant d’atteindre Coyahique, où nous nous arrêterons pour quatre jours. Nous restons chez Francisco et sa famille, qui nous reçoit comme l’un des leurs. Il fait froid ici, la neige tombe pendant deux jours. Nous partageons de très bons moments avec Francisco et sa famille et nous en sommes très reconnaissants. Nous entamons ensuite la dernière partie de notre (trop) courte traversée au Chili. Nous voulons descendre jusqu’à Villa O’higgins, 500 km plus au sud, où nous serons forcés de retraverser en Argentine. Je dis bien forcer, car nous n’avons pas le choix ; la route s’arrête à Villa O’higgins et la seule façon d’aller plus au sud côté chilien est de prendre un long traversier, qui coûte très cher. Normalement, Villa O’higgins est un cul-de-sac dont l’unique échappée est par voie maritime. Il faudrait faire demi-tour par le nord si notre intention n’est pas d’emprunter le service de transport par eau. Pourtant, nous avons constaté qu’il y a un petit poste de douanes isolé dans les montagnes à l’est du village, qui s’appelle Paso Rio Mayer.


Le paso Rio Mayer n’est pas une frontière comme les autres, en ce sens qu’il n’y a pas de chemin pour traverser d’un pays à l’autre. Il faut donc se frayer son propre sentier au travers des arbustes et des nombreux obstacles naturels. Il est bien sûr impossible de passer avec un véhicule, seuls les piétons (ou encore les cyclistes en l’occurrence) sont habilités à circuler. D’une part, ce poste de douane est ridicule en un sens, car très peu de personnes circulent par-là, si ce n’est des quelques gauchos (bergers ou paysans) habitant dans les parages. D’autre part, il est génial, car il permet aux gens comme nous, guidés par un désir d’aventure largement imposé par des impératifs économiques, de sauver quelques sous au détriment de la facilité. C’est ainsi que nous préparons notre traversée. Quatre jours de nourriture, cela devrait suffire le temps d’atteindre la prochaine ville du côté argentin, 300 km plus loin. Nous partons le matin de Villa O’higgings pour le poste de douanes chilien, à 50 km de là. Nous y arrivons en après-midi. Le Carabinero (police du Chili qui s’occupe également du service douanier) nous déconseille de continuer plus loin aujourd’hui. En effet, les 16 prochains km jusqu’au poste de contrôle argentin est la partie la plus risquée, à savoir la portion de trajet où nous dépendrons que de nous pour nous orienter. Nous décidons donc de suivre ce conseil et nous attendons le lendemain matin dans une cabane non loin de la douane. L’heure venue, nous retournons au poste de l’officier. Or, contre toute attente, ce dernier nous refuse finalement le passage, évoquant une série de raisons absurdes se contredisant sur les dangers d’une telle traversée. Nous nous énervons et exigeons une justification. Nous devons passer, nous n’avons pas le choix. Nos billets d’avion en partance d’Ushuaïa sont déjà achetés depuis plusieurs mois, nous devons y être pour une date précise et le temps nous manque. Comme il a déjà été expliqué, il n’y a qu’une seule autre option pour continuer vers le sud, le traversier, lequel nous ne pouvons pas nous permettre. Voilà pourquoi nous insistons. De surcroît, nos vivres ne sont pas illimités et nous ne pouvons pas attendre une journée de plus. Nous quittons le poste frontalier pour y revenir l’après-midi même. Ce sont de nouveaux douaniers présents qui ne voient aucun inconvénient à nous laisser passer. Cela est donc réglé en l’espace de quelques minutes. Nous croisons l’ancien douanier, mais celui-ci refuse de nous adresser la parole.


La traversée de cette brousse aurait été beaucoup plus difficile sans l’aide de directives précises. Heureusement, on nous avait fourni des consignes détaillées à suivre à Villa O’higgins, ce qui nous permit assurément de gagner du temps. Il n’est pas évident de se repérer par ici, ou du moins de suivre le chemin le plus direct. Assurément, l’indication la plus précise que nous avons eue est l’existence d’une passerelle surplombant la rivière. La rivière Mayer est forte et profonde, la traverser à gué aurait été trop risqué. Cette passerelle, aussi étroite et incommode soit-elle, nous a évité bien des tracas. De l’autre côté, c’est une belle forêt qui se déploie ; nous y plantons les tentes pour la nuit. Le lendemain, nous atteindrons le poste de douane argentine, El Bello, d’où le chemin repart. Nous continuerons par la suite en Argentine.


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