top of page

Loca Loca...Colombia!


Pour ceux qui ne le savent pas encore, je n’ai pas limité mon aventure à l’Amérique centrale. Je devais aller voir plus loin. Cela faisait déjà quelques temps que j’y pensais, en me demandant si je continuais encore plus au sud, en descendant la cordillère des Andes. Puis le 16 mars 2015, je pris le traversier de Colón (Panama) à Carthagène (Colombie), liant l’Amérique centrale à l’Amérique du sud. Et pourquoi en traversier? Hé bien, il n’existe toujours pas à ce jour de route reliant les deux pays, étant séparés par la jungle vierge du Darién. Du coup, en dépit du mal de mer et du dodo au sol, le bateau reste la meilleure option à nos yeux, voir la plus économique.


De ce fait, les informations sur ce site ne sont plus à jour. Je ne suis plus en Amérique centrale et mon voyage s'allonge de plusieurs mois. Néanmoins, je continurai à publier un article par pays visité sur cette plateforme, simplement car je m’y suis habitué et que j’ai envie de continuer d’écrire de temps en temps. Lors des prochains mois, je traverserai la Colombie (naturellement), l'Équateur, le Pérou, la Bolivie, le Chilie et l'Argentine.


Cela dit, pourquoi l'article s'intitule-t-il "Loca loca Colombia"? Lors de mon premier jour en Colombie, j'ai demandé à un Colombien croisé dans la rue ce qu'il pensait de son pays. Il me répondit (en Anglais cette fois): "Colombia? It's crazy." Bien que, sur le coup, je fus surpris de cette réponse, je dois désormais lui donner raison. Il y a une ambiance délirante par ici. Les choses bougent, il y a beaucoup d'actions, des idées qui se développent. Puis, avant d’atteindre la Colombie, tout ce que je connaissais de ce pays était Shakira et sa Chanson Loca. Je m’attendais donc à voir l’effigie de cette star internationale partout sur sa terre d’origine, que les gens me parlent d’elle comme de leur idole. Franchement, je fus décu, il n’y eu rien de tout cela. Peu importe, pour moi, la Colombie c'est tout simplement fou.


¡Bienvenidos a Colombia!


Nous arrivons à Carthagène le 17 mars 2015, suite à une traversée de 18 heures. Embarquer à bord fut long plus que difficile. Après avoir passé une inspection ridicule (en voyant notre machette, les agents sont pris au dépourvus; ils prennent un morceau de ruban qu’ils collent sur la sacoche en question et écrivent «couteau» dessus). L’entrée au nouveau pays me réserve une belle surprise : une taxe de « réciprocité » de 160 000 pesos colombiens (78 $ CAD) est imposée de aux Canadiens (seulement aux Canadiens) voulant visiter la Colombie.


Notre première nuit en Colombie se passe très bien; faute de mieux, nous campons dans un des parcs centraux de Carthagène. La police nous indique cet endroit pour nous poser, où des militaires gardent les alentours la nuit durant. Après tout ce que nous avons entendu sur les dangers de sécurité en Colombie, il nous fait tout drôle de dormir à ciel ouvert au milieu de l’un des plus importants centres urbains. Néanmoins, tout se passe bien et tôt le lendemain, nous reprenons la route. Nous décidons de descendre vers le sud en passant par les plaines de l’est, en suivant le fleuve « Magdalena ». Il y fait une chaleur intense, particulièrement l’après-midi. De plus, le relief est plat et la végétation sèche. Toutefois, malgré la dureté de ce nouvel environnement, cela prend peu de temps avant que nous goutions à la légendaire hospitalité colombienne. Ce soir-là, nous nous rendons à la mairie du village de San Juan Nepomuceno pour trouver un endroit pour la nuit. Suite à de longues heures d’attente, les autorités municipales nous offrent finalement une nuit à l`hôtel. Cela nous ravit, une nuit dans un lit; quel bel accueil! Cela s’annonce bien. De façon générale, nous sommes surpris par l’ouverture des Colombiens, leur curiosité et générosité envers les étrangers étant incroyable. Il n’est pas rare d’être invité à partager un repas, à passer une nuit à la maison ou tout simplement échanger quelques rires avec des locaux. De plus, le cyclisme est un sport d’envergure dans ce pays; tous les dimanches, les rues sont bondées de cyclistes amateurs profitant de leur journée de repos. Ainsi, lorsque ceux-ci nous voient arriver avec nos étranges bicyclettes bien chargées, cela a tôt fait d’attirer leur attention.


Le 20 mars, nous sommes hébergés chez les pompiers de Bosconia. Les 6 derniers kilomètres pour arriver furent ardus; ma pédale gauche s’étant bloquée en chemin, c’est donc poussé par mes compagnons que je parcourus le restant du chemin. Par chance, le terrain était plat, ce qui facilitait le tout. Nous sommes en pleine saison sèche, le village de Bosconia est donc à cours d’eau depuis quelques jours, et les pompiers ne font pas exception (donc, on se croise les doigts pour pas qu’il y est de feu). En soirée, on nous invite à danser. Il était déjà clair à nos yeux que la danse occupe une place importante dans tous les pays d´Amérique latine. Or, en Colombie, cela passe à un autre niveau; c’est un véritable culte. Tout le monde sait danser, et il n’y a pas meilleur moyen pour sociabiliser et s’amuser que de sortir le soir se remuer un peu. C’est ce que l’un des pompiers nous explique une bière à la main. Il nous dit, en rigolant, que dans nos pays, les gens doivent s’ennuyer à ne pas danser. Puis, à ma plus grande surprise, il continue sur le sujet avec une réflexion philosophique : « vous voyez ici, en Colombie, il y a beaucoup d’inégalités de richesse; certains crèvent de faim alors que d’autres vivent une vie de rois. Néanmoins, nous sommes tous égaux sur un point; nous avons tous le droit de danser, de nous divertir. » Après ce coup de génie, il reprend son éloquence de la femme colombienne. Enfin, nous nous lançons sur la piste de danse mais notre performance est horrible. Nous n’avons décidément pas ce sang latino qui permet de se bouger si gracieusement. Cela n’a peu d’importance, nos partenaires sont clémentes et ne s’en offusquent pas. Nous dansons la Champeta, cette danse typique de la région côtière caraïbe descendant des Afrocolombiens (de Carthagène). Puis, vient le tour du Vallenato, musique traditionnelle de la même région et se distinguant, à mon sens, par l’usage de l`accordéon. Nous sommes amusés de la sensualité qu’obligent ces danses, il n’y a rien comme cela au Canada.


Il faut y gouter!


En Colombie, nous sommes ravis par la diversité des mets que l’on y trouve. Tout d’abord, le repas est toujours composé d’une soupe en entrée et d’un plat principal accompagné d’une boisson. Finis les tortillas d’Amérique centrale, ce sont désormais de petites galettes de maïs appelés Arepas qui les remplacent. Tous les plats ont du riz, de la viande et de la salade (qui est rarement bonne), avec fêves et/ou patates et/ou yuca (manioc en français). Le yuca fut une grande découverte pour moi, ne me rappelant pas en avoir mangé auparavant. C’est bon, bouilli ou frit, et riche en glucides (parfait pour le vélo). Les jus de fruits sont extraordinaires aussi; guanabana, maracuya (fruit de la passion acide), granadilla (fruit de la passion sucré), mora (semblable à la mûre), guayaba (goyave, il y a la jaune plus acide et la rosée plus sucrée) lulo (ou naranjilla en Équateur, dénommé narangille en français), quinoa, tapioca (venant de la plante du yuca)… et j’en passe. De surcroît, sur la route, nous ne cessons de nous régaler de patisseries préparées : des empanadas, des papas (des boules frites contenant de la viande, des œufs, du riz et des patates), des boules de pâte au fromage (dont je ne me rappelle plus le nom) et toutes sortes de pains et gâteaux. Puis, par ici, le fameux piment épicé se nomme Aji (contrairement au chile du Mexique), et tout repas qui se respecte est secondé par une sauce bien forte de ce piment. En outre, plusieurs régions ont leur plat tipique. À Medellin, nous mangerons la fameuse Bandeja paisa, cette énorme assiette constituée de riz (bien sûr), de plantain frit, de viande hachée, d’œufs frits, de chicharrón (qui désigne différentes choses selon le pays où l’on se trouve, ici ce sont des morceaux de lard frits), de l’avocat, des fèves, du chorizo et un peu de tomate. Il y a également l’aguardiente, un alcool fort de canne à sucre et assaisonné à l’anis. À Manizales, nous gouterons notre premier Sancocho, une grosse soupe contenant morceaux de viande (pour l’occasion, nous avions des vertèbres de bœuf), plantain, mazorca (des épis de maïs non sucrés, grillés et délicieux), patates, yuca, avec une platée de riz, de la coriandre fraîche et une superbe sauce en accompagnement. À Bogotá, nous savourerons la morcilla, un type de boudin noir, fait à partir du sang de porc mélangé avec divers ingrédients (riz, ognion et autres) et entubé dans des intestins. Il y a également l’arequipe, un genre de concentré de lait caramélisé servi en dessert, avec du fromage frais et des mûres par exemple. Plusieurs boissons aussi, comme le chocolate (chocolat chaud), le canelazo (boisson chaude avec aguardiente, canelle, clou de girofle et citron) et le ron de caldas (rhum du département de Caldas). C’est également à partir de Bogotá que nous adoptons le bocadillo, une pâte de fruit de goyave. On nous avait signalé que les cyclistes colombiens ne prennent jamais la route sans leur réserve de bocadillo et, sincèrement, je comprends pourquoi. C’est bon, riche en glucide, naturel et peu cher. Naturellement, il ne faudrait pas oublier les excellentes soupes de Bogotá, comme le Mondongo (soupe de cube de tripes)et l’Ajiaco (soupe de poulet servie avec câpres).


Une journée bien ordinaire


Ce qui caractérise également la Colombie à mes yeux c’est qu’il faut toujours attendre. Le chef n’est jamais là (mais vraiment jamais là) et il faut absolument son autorisation, ou c’est fermé, ou nous nous adressons à la mauvaise personne, ou on nous indique une mauvaise direction, etc. Par exemple, cette journée à Curumani, le 21 mars, où nous avons parcouru toute la ville pour finalement nous poser à la Defensa civil (défense civil). Nous sommes premièrement allés parler à la police, qui nous envoie au Secretaria de transito (où nous reçoit Celestino, super gentil), qui nous dirige au collège San José, mais au collège il n’y a personne alors nous chercher la maison du concierge (encore une fois, un groupe de jeunes nous aide en nous dirigeant), or le concierge doit demander la permission à la rectrice, nous cherchons donc la maison de la rectrice mais, évidemment, elle n’est pas là, nous allons tout de même demander à la mairie (qui refuse) puis retournons au secretaria de transito pour ensuite se tourner plutôt vers l’église qui elle nous recommande à la Defensa civil. Cela nous a donc occupé tout l’après-midi. Par contre, il n’y a aucun doute que les gens nous ont vraiment gâtés ce jour-là. On nous a donné une bouteille de soda pour accompagner notre dîner, un contact pour le sud du pays, un sac de biscuit (un mec qui sort de nulle part en vélo et part aussitôt), des biscuits soda, 2 bières chacun, des shooters de whisky et une boisson gaseuse pour aller avec le souper. En plus, le lendemain matin à 6 hrs en sortant du local de la Defensa civil, un vieil homme nous demande si nous buvons le café :

  • Vous buvez du café?

  • Oui, bien sûr!

  • Venez alors!


Et en parlant de café, bien que la Colombie soit l’un des plus grands producteurs de café, cela n’empêche pas les Colombiens de boire du jus de chaussette (sucré, quand même) ou encore, de « l’eau de café », comme s’amusait à dire une femme que nous avons rencontrée.


Le 22 mars, nous quittons les grandes plaines arides pour une région plus vallonnée, verdoyante et boisée. Nous passons par Aguachica, San Alberto, Barrancabermaje (la capitale du pétrole de Colombie), Puerto Berrio puis Barbosa pour finalement arriver à Medellin. Nous entrons enfin dans les montagnes. 5 jours plus tard, en fin de journée, nous apercevons une magnifique colline dominant la vallée sur notre droite. Jérémy lance à la blague : « Eh, nous pourrions camper là! » et puis nous campons là. Un humble cultivateur de cacao nous laisse nous installer à notre guise. Nous partageons une discussion autour d’un café en sa compagnie. Il nous explique fièrement qu’il vend ses grains de cacao séchés à 1200 pesos colombiens (1.60 $ CAD) le kilogramme. Je trouve ce prix ridiculement bas mais je suis rassuré qu’il s’en porte satisfait. Par contre, je n’ose pas demander combien de kilogrammes peut-il vendre par mois, ayant peur d’un nombre encore plus aberrant. Le lendemain soir, à Barbosa, un journaliste nous invite chez lui. Memo (tel est son nom) habite dans une luxueuse maison au centre de cette petite ville. Lui et sa famille nous accueille comme des rois et Memo ne cesse de nous interroger sur notre voyage, voulant écrire un article à ce sujet.


La casa del ciclista de Medellin


En Colombie, la cordillère des Andes se divise en trois; les cordillères occidentale, centrale et orientale. La ville de Medellin, quant à elle, se situe entre les cordillères occidentale et centrale, dans le nord-ouest du pays, à une altitude de 1500 m. Les Colombiens la surnomment fièrement la capital de las montañas, la capitale des montagnes, ce qui ne fait aucun sens selon moi car de nombreuses villes se situe davantage en altitude (Bogotá, par exemple, la capitale du pays, à 2600 m, mais bon ça, c’est leur problème). Medellin est la capitale du département d’Antioquia, dont les habitants se nomment Paisas. Cette ville est surtout célèbre pour sa modernité, allant innovée en proposant le premier transport public en gondole, surplombant la ville, et aussi pour avoir été le repère du célèbre baron de la drogue Pablo Escobar (pour les plus jeunes, si vous ne savez pas qui est Escobar, allez voir sur Wikipédia, ça vaut le coup). Pour moi, les gens de Medellin m’ont surtout marqué par leur accent flûté. C’est vraiment joli, ils donnent l’impression de chanter quand ils parlent. Ce sont également des cyclistes aguerris; nous sommes arrivés en ville un dimanche et le nombre de citadins à vélo était impressionnant! En plus de l’artère principale fermée aux automobilistes pour les cyclistes amateurs, ils sont partout en ville. Nous, c’est à San Antonio del Prado que nous nous établissons pendant quelques jours. En bordure de Medellin, plus haut dans les montagnes, et près du petit village que je viens de mentionner, se trouve La casa del ciclista (la maison du cycliste) de Manuel et Martha. Ce n’est pas la seule qui existe mais c’est la première dont j’ai l’occasion de visiter. C’est génial, une maison entière réservée aux cyclotouristes dans la campagne colombienne, avec la tranquillité des montagnes et la beauté de la zone cafetière. Nous ne manquons de rien, nous sommes enchantés et passons 4 jours paisibles. Notre dernier soir à cet endroit, nous organisons un souper spécial (pâtes bolognaises) à la maison de nos hôtes où tous leurs amis cyclistes sont invités. Ce fut un moment passé en bonne compagnie, du genre que j’adore. Puis, le lendemain matin, je me rends compte que l’axe de mon moyeu avant est brisé. Le temps de le changer, nous décidons que crécher dans le coin une journée de plus.


3 jours plus tard, à Manizales


De Medellin, nous mettons 3 jours pour atteindre Manizales, où nous sommes attendus. Ce sont nos premières vraies journées dans les montagnes et lorsque le soir tombe, nous sommes épuisés. Nous choisissons une route alternative, afin d’éviter le trafic de l’axe principal. Nous descendons donc du côté des villages de Camiloce Restrepo et Fredonia, pour rejoindre la route principale à La Pintada. Nous sommes alors en plein cœur de la zone cafetière colombienne. Les champs de café à perte de vue, accompagnés de bananiers et bambous, offrent des paysages enchanteurs. Nous passons de vallée en vallée, de montagne en montagne, et partout, il y a des cultures d’un vert intense (jusqu’au sommet des pics). Parfois, le café se trouve sur des collines si escarpées qu’il est à se demander s’il est vraiment accessible. Oui, nous assure-t-on, bien que des harnais de sécurité soient à l’occasion nécessaire afin d’assurer la sécurité des travailleurs.

Ensuite, nous longeons la rivière Cauca (l’une des plus imposantes de Colombie), où il fait beaucoup plus chaud, à 500 mètres d’altitude. C’est plat et il y a plus de voitures. Néanmoins, au petit bled de La Felicia, nous reprenons une route secondaire, en direction de Filadelfia. Dans une petite ferme sur le bord de la route, à la tombée de la nuit, nous demandons l’hospitalité. Le couple de petits vieux, occupant l’endroit, nous prend sous son aile. On nous sert un excellent chocolat chaud, mélangé avec du lait frais (voilà le secret). À ce sujet, c’est en Colombie que j’ai bu le plus de chocolat chaud; le matin en accompagnant le déjeuner ou le soir avant de se coucher. Il est généralement préparé avec un bâton pour mélanger spécialement conçu à cette fin, qui s’appelle Molonillo (une œuvre d’art en soit). D’ailleurs, ce n’est pas une boisson sucrée seulement réservée aux enfants, non ici, tout le monde en boit, c’est la tradition. Bref, nous avons aussi droit aux plaisanteries de notre hôte car, selon elle, les Européens ne se lavent pas (que je sois Canadien ne me sauve pas, on nous met tous dans le même panier) et notre odeur après une journée de vélo ne semble que confirmer la chose.


Le lendemain après-midi, le 6 avril, nous arrivons à Manizales. Toute la famille de Gloria et Luis-Enrique nous attendait avec impatience depuis un moment. Nous sommes littéralement traités comme des rois (c’est exagéré), nous avons droit à une réception incomparable. Cela tombe bien car les trois d’entre nous, le soir même, nous sommes malades. Ce sont les éternels problèmes d’acclimatation du voyageur à la nourriture des pays visités. Peu importe, lorsque nous nous portons mieux, notre famille d’accueil nous amène visiter les environs. La ville de Manizales est charmante. Je me souviens particulièrement de sa cathédrale, la plus haute de Colombie, que nous avons visité de fond en comble. En vérité, je m’en souviens surtout car j’en traine une réplique miniature d’au moins 500 grammes dans mes sacoches depuis 3 mois (mais bon ,hen, que voulez-vous, un cadeau est un cadeau). Puis, il y a la bouffe; à chaque jour c’est un festin. Les jus de fruit accompagnant chaque repas, c’est génial (il faudrait que ce soit tout le temps comme ça). On nous prépare aussi notre premier Sancocho. Il y a également el agua panela con queso, une infusion à la canne de sucre avec fromage frais, spécialité local que je ne garderai pas dans mes meilleurs souvenirs. À la fin de notre séjour, on nous emmène dans un centre de détente réservé aux employés de l’université de Manizales et leur famille. Bien sûr, nous ne refusons pas une telle offre et nous en profitons pleinement. Ils ont vraiment été en or en avec nous, Luis-Enrique, Gloria, Paula, Daniel, Angel-Andres et Safir, leur chien Husky.


De Manizales, nous prenons la direction de la capitale nationale, Bogotá. C’est une énorme ville où Hernando et Maria-Teresa, les parents de la copine de l’un des amis des Français, nous attendent. Mais tout d’abord, nous avons le col de Letras à passer. Plus tard, nous en rirons, néanmoins, sur le moment à 3400 mètres, c’est le plus haut sommet que nous allons franchir et nous l’appréhendons déjà depuis un moment. En 34 kilomètres, nous sommes en haut, où il fait froid et pleut. La végétation change une nouvelle fois; il n’y a plus de café, peu d’arbre, ce qui laisse la place au Paramó, ce type de flore unique aux hautes Andes humides. Nous buvons un café au sommet pour nous réchauffer et célébrer notre accomplissement. Heureusement, de l’autre côté des montagnes, le ciel est dégagé et nous pouvons donc pleinement admirer les magnifiques vues durement méritées. Nous avons une belle descente de 80 kilomètres devant nous. Nous descendons tellement que le lendemain matin nous serons pratiquement de retour au niveau de la mer.


Par contre, entre temps, nous campons dans une ferme près de Fresno. Il pleut bien cette nuit-là, nous nous réveillons bien trempés au matin. D’ailleurs, ce matin-là fut des plus divertissants : un veau particulièrement aventureux s’intéressait beaucoup à notre équipement, si bien qu’il finit par partir avec le sac du matelas de sol de Jérémy. Puis, il l’a mangé. Cela a pris du temps, c’est difficile à avaler après tout, mais reste qu’il l’a entièrement englouti et que nous ne l’avons jamais revu. Moi et Clément, mort de rire, nous tentions de le rattraper, or, rien à faire, c’est rapide un veau. Jeremy dut donc faire le deuil de son porte matelas de sol ce jour-là.


À La Honda, point le plus bas, il fait chaud, nous prenons donc le temps de faire sécher nos tentes. Il ne nous reste plus qu’à monter, pour rejoindre Bogota à 2600 ms. À Guadua, ce soir-là, nous campons à la piscine municipale. La piscine est plutôt un élargissement de la rivière traversant le village et est peu invitante pour se baigner, avec les déchets qui flottent. Elle offre pourtant un excellent endroit de camping, sur la rive opposée. Nous devons ainsi traversé tout le matériel sur la fine bande de béton glissante en guise de barrage. En peu de temps, nous sommes bien installés de l’autre côté. Le soir suivant, c’est avec les pompiers de La Vega (nom de village les plus communs) que nous passons la nuit. Il pleut à siot, et nous sommes au sec, prêt pour notre dernier col avant Bogota le lendemain. Nous sommes à 1200 m, nous allons jusqu’à 2800 ms pour redescendre à 2600 ms. Bien que nous soyons un jeudi, la pente est rempli de cyclistes en entrainement. Ceux-ci nous dépassent à des vitesses fulgurantes, ils sont super bons. Plusieurs aussi, curieux, s’arrêtent pour nous poser des questions. C’est le cas notamment de Avelargo qui, voulant connaître notre histoire, nous invite à boire une bière au sommet. Pour sa part, Avelargo à 50 ans (il en paraît 30) et dès qu’il ne travaille pas il est sur son vélo. C’est une véritable machine de course. Il nous offre de nous guider au travers de Bogotá jusqu’à notre point de rendez-vous. Cela nous convient tout à fait car, vu la grandeur de la ville, un guide ne sera pas de trop. Par contre, il n’est pas question de trainer et Avelargo part en flèche dans les dédales de Bogotá. Ainsi, nous arrivons chez Tere et Hernando plus tôt que prévu.


2 semaines à Bogotá


Nous passerons 2 semaines à Bogotá, dans la demeure de Tere et Hernando. Pourtant, cela passe rapidement, nous sentant très à l’aise en compagnie de nos hôtes. Ce sont des anges et nous passerons pleins de bons moments avec eux. Nous visiterons la ville et les environs. Le Monserate, surplombant la ville la nuit m’a bien plut. Le cartier de la Candelaria au centre-ville est jolie, bien que un peu trop touristique à mon goût. Les alentours de Bogotá, peuplé de campagnards, offre de beaux paysages et des mets succulents. De surcroît, nous goutons à la vie nocturne de Bogotá et malgré nos piètres talents de danseurs, nous nous amusons bien. Aussi, malgré leur âge, Tere et Hernando sont des sportifs aguerris. Nous courrons avec Tere (impossible de la suivre, cette championne) et jouons au squash avec Hernando (j’ai du travail dece côté, décidemment). Nous visitons également la famille, toute la famille, qui n’habite qu’à quelques coins de rue. La proximité entre eux me surprend et l’accueil qu’ils réservent aux étrangers encore plus. Hernando m’explique qu’il a étudié aux États-Unis mais qu’il n’avait aucune envie de rester là-bas. Il n’aimait pas l’individualisme qui y régnait; pour lui, la famille et les amis sont plus important que tout, il voulait être près d’eux. Franchement, je comprends ce qu’il voulait dire, cela fait du sens après tout.


Le mercredi 29 avril, bien reposés, nous reprenons la route en direction de Cali. Évidemment, la Colombie est le petit des pauses puisque nous sommes également attendus à Cali, 500 kilomètres plus au sud, et invités à y séjourner quelques jours. Nous passerons par les villes de Fusagasugá, El Espinal, Ibagué, Calarca et Buga. Il n’y a qu’un col sur la route, celui de La Linea, qui est tout de même réputé le plus dure de Colombie.


De Bogota à Cali


Le premier soir, nous nous arrêtons près de Fusagasugá, dans la maison secondaire de la parenté de Tere et Hernando, probablement la demeure la plus chic dans laquelle nous sommes restés depuis bien des lustres. Le lendemain, nous restons avec les militaires de El Espinal. Nous descendons toute la journée, nous allons à des vitesses de fou. Quant à eux, les militaires colombiens, quand ils cuisinent, ils font cela en grand; ils ont d’énormes chaudrons remplis de Sancocho de gallina et nous nous gavons en leur compagnie. À Ibagué, ce sont les pompiers qui nous accueillent une nouvelle fois. Puis, vient la longue montée de la Linea, qui commence tôt le matin et se termine de l’autre côté des montagnes, à Calarcá. Ce sont surtout les 10 derniers kilomètres de montée qui furent difficiles, bien pentue. Je garde surtout en souvenir la descente, une route glissante sous une pluie torrentielle, avec des camions qui sortent de partout : ça c’est du sport. Le 3 mai, nous désirons visiter le petit village touristique de Salento, puisque nous savons que nous avons du temps en surplus. Finalement, nous ne verrons jamais le hameau puisque Jeremy eut trop de problèmes avec son vélo pour pouvoir se rendre jusque là. Néanmoins, nous rencontrons un cycliste sur le chemin qui nous dit de le contacter si nous cherchons un endroit où dormir. À la nuit tombée, nous sommes devant chez lui, tout mouillé. Hernando héberge les cyclotouristes depuis déjà quelques temps. Nous sommes, une nouvelle fois, bien gâtés. Le lendemain soir, pour remercier nos hôtes, je cuisine, avec l’aide des Français, deux bonnes platées de bon pâté chinois de chez nous (seulement, le maïs en canne étant cher en Colombie, j’opte plutôt pour des petits pois). Hernando possède un restaurant et offre des spécialités d’un peu partout, alors l’idée de leur faire gouter, à lui et sa famille, un mets typique canadien-français m’est venu de là. Ils ont adoré! Il faut dire qu’il y a très peu de plats préparés au four en Colombie, ainsi qu’un repas comme celui-là attire facilement leur attention. C’est également cette soirée-là que nous rencontrerons Wolfy, un cycliste allemand qui sera notre compagnon de voyage en Équateur et dans le nord du Pérou. Pour l’instant, nous roulerons les 4 cyclistes ensemble jusqu’à Cali. À Bagua, nous rencontrerons Jonatan, un Colombien amateur de cyclotourisme, que nous accompagnera une journée entière, jusqu’à Cali.


Cali, capitale de la Salsa


Cali se trouve dans le sud de la Colombie, à 1000 ms d’altitude. Il y fait chaud et les gens y aiment danser la salsa. Nous y sommes hébergés dans la demeure d’Angie et Gustavo et de leurs deux filles, Anasofia et Maria-Jose. Nous y resterons 4 jours. Encore une fois, nous avons la chance de gouter aux spécialités locales. Nous mangeons des Ushuvas, ressemblant à des cerises de terre, du Lechona, un fourrée de cochon avec riz, viande, etc, et des Shantaduros, qui sont le fruit d’un palmier (rôtis, cela goute comme des marrons). Nous visitons également quelques endroits importants de la ville, tel que la statue du Cristo Rey, surplombant les environs (dans le style de la statue du Christ de Rio de Janeiro au Brésil). Nous avons même la chance de recevoir un cours privée de salsa, avec une introduction à la salsa choke de Cali. C’est un style de salsa typique de la côte pacifique de la Colombie. Le pas basique n’est pas facile, il faut bien coordonner les mains et les pieds; nous aurons décidément besoin de davantage de pratique. C’est pourquoi le soir nous décidons de sortir afin de mettre en œuvre nos nouveaux apprentissages. Or, en fin de compte, nous n’avons pu qu’admirer les locaux danser. Le bar était plein à craquer et les danseurs innondaient la rue lui faisant face, accompagnés par les musiciens amateurs qui voulaient participer à l’ambiance. Ils sont vraiment impressionnants quand ils s’y mettent.


4 jours plus tard, nous faisons nos adieux à Gustavo et sa famille et reprenons la route. Nous nous dirigeons vers Popayán, un peu plus au sud. Nous nous y arrêtons tous les 3 une journée et je décide d’y rester une journée de plus. J’ai rencontré des amis avec qui jouer au Ultimate Frisbee et je désire ainsi passer un peu plus de temps en leur compagnie. Je rejoindrai mes compagnons 3 jours plus tard près de Pasto.


Une mésaventure dans l’aventure…


Malheureusement, alors que je reprends la route le lendemain tôt, les choses ne se déroulent pas comme prévues. À 8h30 le matin, alors que je roule tranquillement tout seul en écoutant un peu de salsa, 3 mecs en moto décident de me suivre. Lorsque je monte une pente, l’un d’eux me pousse dans le fossé. Pendant ce temps, les deux autres s’occupent de redresser ma bicyclette puis l’un des deux l’enfourche. Les 3 repartent aussitôt en descendant la pente (2 sur la moto et 1 sur mon vélo), à la course je n’arrive pas à les rejoindre. Je m’empresse donc d’arrêter une bagnole et de partir à leur poursuite. Nous réussissons à les rattraper, ils ont maintenant monté le vélo sur la motocyclette. Se voyant poursuivis, ceux-ci tentent de s’esquiver par un chemin de terre, partant dans les collines. Par chance, en quittant la route, le poids du vélo (avec toutes les mallettes, c’est bien pesant) les fait basculer. Il n’y a que le conducteur, toujours sur son bolide, qui réussit à garder son équilibre. Le deuxième ne tarde pas à se relever et à déguerpir. Je pars inutilement à sa poursuite mais le chauffeur m’accompagnant me ramène à la réalité : il faut charger mon vélo dans la camionnette et quitter les lieux au plus vite, les mecs pouvant revenir plus nombreux et mieux armés. Donc, je reviens et fais ce qu’il dit. Je démonte rapidement mes sacoches et nous reprenons la route en sens inverse. Je décompresse enfin et me rends compte qu’il y a beaucoup plus de gens que je pensais dans cette camionnette. C’est, en fait, un véhicule de transport. Le conducteur a pris de grands risques en m’aidant et je le remercie grandement. Celui-ci m’apporte jusqu’au prochain grand village, El Bordo. Là, je constate les dégats : il ne me manque rien, sauf mes gourdes qui sont probablement tombées lors de la poursuite. Par contre, ma roue arrière est toute tordue, impossible de reprendre la route, et mes shorts tout déchirés. Je prends l’après-midi pour tenter de redresser ma roue, sans arriver à grand-chose. Je tente tout de même d’en aviser la police mais je ne m’attarde pas, cela est complètement inutile. Je suis épuisé et me trouve un endroit tranquille pour me reposer. Le lendemain, je vais voir un mécanicien qui réussit à plus ou moins réaligner ma roue. Je prends donc un bus et je rejoins mes compagnons de voyage, une centaine de kilomètres plus au sud. Ensemble, nous parcourons le reste du chemin jusqu’à Pasto, la prochaine grande ville. Tout est maintenant rentré dans l’ordre et l’aventure continue. Étant en vélo, nous sommes vulnérables, ce genre d’événement peut donc arriver en tout temps. Plusieurs cyclotouristes se sont déjà faits volés, nous connaissons les risques.


De Pasto à Ipiales, dernière étape colombienne


A Chachaguï, juste avant d’atteindre Pasto, il nous arrive un drôle d’anecdote. Nous campons dans le parc près de la place centrale, suivant le conseil des policiers. Pendant la nuit, ces derniers verrouillent l’entrée de l’endroit, par sécurité. Le lendemain matin, ces derniers nous annoncent qu’ils ont perdu les clés et qu’ils n’en ont aucune de rechange. Nous devons donc tout faire passer par-dessus la clôture, en riant du peu de sérieux du corps policier.


A Pasto, nous avons le bonheur de retrouver notre ami cycliste Wolfy. Il avait pris une route différente mais nous nous étions promis de nous retrouver en temps et lieux. Nous continuerons tous les quatre jusqu’en Équateur. La frontière entre les deux pays se trouve à 3 000 ms d’altitude et il y fait froid. À Ipiales, à une dizaine de kilomètres des douanes, nous nous gelons les couilles. Il pleut à notre arrivée et nous avons peine à trouver un endroit pour la nuit. C’est finalement la mairie qui nous indiquera un refuge pour nous abriter (avec douche chaude!). Au matin, le 20 mai, sous l’insistance de l’Allemand, nous trinquons une bière pour célébrer la fin de cette étape. C’est une tradition du groupe, à l’entrée et à la sortie de chaque pays, mais à 9 hrs le matin c’est la première. Puis, nous nous élançons vers l’Équateur. Nous traversons sans problèmes et une nouvelle aventure débute. Au revoir la Colombie, merci pour tout et à la prochaine!


Featured Posts
Recent Posts
bottom of page