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Sud de l’Argentine et Terre-de-Feu




Le sud de l’Argentine est un endroit particulièrement isolé, où peu de gens vivent. La Terre-de-Feu, plus grande île de la Patagonie se trouvant à l’extrémité sud du continent, est un monde à part entière. L’île se partage en deux, entre l’Argentine et le Chili, bien que le côté argentin soit plus développé. Ushuaïa, la métropole de Terre-de-Feu, est en terre argentine, sur la rive sud. C’est là notre destination ultime. Les quelques personnes qui vivent dans cette contrée éloignée ont leur identité propre et sont fières de leur île. Le climat rude (il n’y a presque pas d’été) ne semble pas les affecter.


Nous arrivons du Chili le 29 novembre, par la frontière de Rio Mayer. Après être sortis de la brousse (ce passage douanier a été de loin le plus compliqué que j’ai vécu), nous roulons à toute allure vers Gobernador Gregores, prochain point de civilisation où nous pourrons nous ravitailler. Nos réserves de nourriture tirent à leurs fins et nous ignorons combien de kilomètres nous séparent de la ville. En outre, nos prochains jours sont comptés. Nous devons être à Ushuaïa le 17 décembre au soir, car je prends l’avion le 19 à midi. Nous avons donc 1532 km à parcourir en 22 jours, ce qui est raisonnable sans être peu non plus. Nous nous arrêtons 6 jours en route, ce qui signifie que nous avons une moyenne de 95.75 km par jour de vélo. C’est de loin notre plus forte moyenne. Il faut dire que nous battons également nos records de distances, en réalisant notamment une journée

à 239 km. Ici, nous sommes de retour dans de grandes steppes désertiques et le vent est vraiment fort. Tellement fort que nous pouvons atteindre les 50 km/h sans pédaler et sans toucher aux pédales, à condition que la direction du vent nous soit favorable bien sûr. Avec un vent de face, je vous laisse imaginer à quoi ça ressemble. C’est dans ces circonstances que le travail d’équipe devient très important ; chacun à notre tour, nous prenons la tête, afin de couper les deux autres du vent. Avec une rotation aux quinze kilomètres, ce sont cinq kilomètres où nous recevons l’un à la suite de l’autre le vent dans la gueule. De plus, l’endroit est désertique. Nous croisons peut-être une ferme aux 60 kms et même là, elles ne sont pas toujours habitées. Ce sont d’énormes propriétés qui élèvent quantité de moutons. Ainsi, nous devons redoubler d’ingéniosité pour nous trouver un endroit où dormir. Vous vous douterez probablement qu’avec le vent qu’il y a, sortir la tente est hors de question. Nous avons dormi dans des fermes, mais également dans des bâtiments abandonnés, des postes de garde où personne ne se manifeste ou encore dans une chapelle laissée déverrouillée.


Province de Santa Cruz

À Gobernador Gregores, le 1er décembre, nous campons dans le camping municipal. C’est un endroit super bien aménagé, avec eau chaude et douche, pour les gens de passage et entièrement gratuit. C’est la belle vie. Cela fait chaud au cœur d’être de retour en Argentine. C’est étrange, car normalement, il ne nous arrive jamais de revenir dans un pays où nous avons déjà été. C’est toujours intrigant de découvrir une nouvelle nationalité. Là, c’est plutôt réconfortant ; nous retrouvons le maté argentin, l’accent argentin et le supermarché argentin. Nous savons déjà à quoi nous attendre et cela est amusant. Nous fêtons dûment notre retour en territoire connu.


Le 3 décembre, nous nous séparons de nouveau; Jérémy part de son côté par l’est, Clément et moi, descendons par le sud-ouest. Notre intention est de se rendre au Perito Moreno, qui est un énorme glacier dans le champ de glace sud de la Patagonie. La route par ce côté est plus longue avec des vents dominants de face. Nous roulons donc comme des ânes pour rentrer dans notre temps, se levant à 4h du matin et s’arrêtant juste avant le crépuscule, soient aux alentours de 23h. Nous sommes déterminés à y arriver. Cela d’ailleurs en a valu largement la peine; le Perito moreno est

vraiment une merveille de la nature. Nous nous retrouvons devant un mur de glace de 60 m de haut, s’étendant sur plusieurs kilomètres. Choyés, nous prenons la route vers le sud-est, afin de rejoindre Jérémy comme prévu à Rio Gallegos. Le 7 décembre, jugeant que nous étions en avance sur notre planning, nous nous arrêtons en mi-journée dans une ferme et demandons l’hospitalité pour la nuit. Gonzales nous reçoit avec grand plaisir et nous buvons le maté en sa compagnie tout l’après-midi. Le lendemain matin, en pleine forme, nous nous lançons pour parcourir les 280 km qui nous séparent de Rio Gallegos. Nous ne réussirons pas à pédaler cette distance, le vent jouant contre nous, mais, en roulant avec véhémence, nous enchaînons 239 km consécutifs, ce qui restera le record dans mes annales personnelles. Nous nous sommes vraiment donnés à fond sur ce coup. Le soir, les 23h passés, nous ignorons où aller. Nous remarquons une petite chapelle qui est éclairée par des bougies. C’était la fête d’une Sainte et les habitants étaient venus porter leurs offrandes. Ne voyant personne à l'intérieur, nous investissons les lieux, non sans une petite gêne. Nous prenons notre douche dans la rivière gelée et peu appétissante. Enfin propre, le ventre repus, nous nous effondrons dans nos sacs de couchage. Le lendemain, nous serons à Rio Gallegos, de nouveau réunis tous les trois. Nous restons dans le gymnase municipal, où nous sommes tellement bien que nous restons une nuit de plus. Ensuite, nous partons pour la Terre-de-Feu.



La Terre-de-Feu

Une chose étrange à première vue est que nous devons retraverser au Chili pour franchir en Terre-de-Feu pour ensuite revenir dans la partie argentine de l’île. Le Chili possède le sud du continent faisant face à l’île et a ainsi le monopole du traversier offrant le transport. Nous sommes ainsi une nouvelle fois avec les chiliens, qui sont néanmoins très différents de ceux que nous avons rencontrés plus au nord. Ici, contrairement à la Carretera Austral, ce n’est pas touristique. Le contact avec les gens est donc plus facile ou plus vrai. Nous sommes par exemple très bien accueillis par les gens de Villa Punta Delgada, ces derniers nous prêtant leur salle communautaire pour passer la nuit. Enfin le lendemain, 12 décembre, nous traversons en Terre-de-Feu.



Le nord de la Terre-de-Feu est identique au continent que nous venons de quitter; de longues steppes désertiques, avec beaucoup de vent et de moutons. Le 14 décembre au matin, nous avons été arrêtés par un troupeau de 6 000 moutons au galop, juste pour donner une idée. Nous passons par la voie plus à l’ouest pour atteindre les douanes de San Sebastian, afin de franchir du côté argentin de la Terre-de-Feu. Nous dormons d’ailleurs à l’intérieur de la douane cette nuit-là. Nous passons par Rio Grande, puis continuons pour Ushuaïa. Le sud de l’île est boisé et parsemé de montagnes, ce qui est beaucoup plus accueillant qu’au nord. Le 16 au soir, nous dormons à la boulangerie La Union de Tolhuin. Cet énorme centre du pain et des pâtisseries au milieu d’un petit village accueille tous les cyclistes de passage. Lorsque nous y passons, il y a déjà trois cyclistes qui s’y trouvent. C’est un endroit magnifique pour les cyclo-voyageurs.


Le 17 décembre au soir, nous atteignons finalement Ushuaïa. Contre toute attente, nous restons avec les pompiers à l’entrée de la ville. Tous les autres cyclistes rencontrés, nous ont dit que c’est l’enfer pour trouver un endroit où dormir à Ushuaïa, nous sommes donc ravis d’être aussi bien tombés. Le lendemain est consacré aux préparatifs de départ ainsi qu’aux célébrations de séparation. Après un an de route ensemble, je lève avec gratitude mon chapeau à mes deux compères, Jérémy Gouban et Clément Opeicle, pour leur aide et leur support au cours de cette longue traversée. Sans eux, tout cela n’aurait probablement pas été possible. Bonne chance pour la suite les gars. Finalement, après 20 mois de voyage et 22 407 km de vélo, voilà où s’arrête mon aventure !


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