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Panamá; au bout de l´Amérique centrale

Notre entrée au Panama est de mauvais augures; depuis quelques jours, j’accumule crevaison sur crevaison. Les rustines ne veulent plus coller et mon pneu arrière (toujours le plus vulnérable) se gave de fils de fer. À ce sujet, les fils de fer sont de minuscules morceaux de métal, de la taille d’un long poil, provenant des retailles de pneus des camions-remorques en bordures de la voie; fatal pour la bicyclette. C’est le pire ennemi du cyclotouriste. Parfois, je peux en retirer (à l’aide de pinces) de 3 à 4 dans un seul pneu en une journée. Puis, viennent les rayons. Depuis le Costa Rica, les rayons de ma roue arrière éclatent un après un. Je suis rendu aux alentours de 18 rayons changés, sur un total de 36. Là aussi, je bats des records ; je peux remplacer jusqu’à deux rayons d'un coup, ce qui correspond entre 30 mins et 1 h de travail à chaque fois (dépendamment de son emplacement ; côté cassette c’est plus ardu). Pour coûronner le tout, démonter son pneu sur la voie d’accotement d’une autoroute, en pleins cagnard et le mercure à 35 degrés Celsius, n’a rien de plaisant. Néanmoins, je suis chanceux, ce ne sont que des réparations mineures à tous les coups. De plus, comme nous nous le rappelons souvent, cela fait parti de l’aventure.


Le Panama est un petit pays (légèrement plus grand que la province du Nouveau-Brunswick) de 3,5 millions d’habitants (principalement concentrés dans sa capitale), occupant la partie sud de l’Amérique centrale. C’est une république divisé en 9 provinces et 3 territoires. L’argent en vigueur est le dollar américain et sa principale source de revenues, son canal. Tout comme le Costa Rica, celui-ci ne possède pas d’armée et a de nombreuses politiques afin de préserver son environnement. Cela serait le pays avec le plus de parcs naturels par rapport à sa superficie, selon Wikipédia (bien que cela soit difficile à croire en constatant tous les déchets jonchant la route). Je le dis d’entrée de jeu, le Panama est le pays qui m'a le moins plu.


Bocas del Toro

Nous arrivons au Panama par la côte caraïbe, la province de Bocas del Toro. C’est la partie la plus jolie de pays que nous visiterons. C’est une région très verte et humide, avec une jungle dense, peuplée principalement d’indigènes. La proximité de la nature, le relief montagneux et les maisons sur pilotis aux multiples couleurs m’enchantent. De surcroît, l’archipel d’îles au large de la côte, du même nom, est un endroit prisé par les croisières de luxe. C’est un refuge paradisiaque nous assure-t-on. Or, je suis content que ce petit paradis de complexes touristiques se trouve loin d’ici. Des touristes, j’en ai eu ma dose au Costa Rica.


Petite remarque : cette journée-là, ce fut la première fois que nous longions les plages caraïbes (la deuxième fois pour moi, étant passé par là il y a deux semaines) et franchement, elles sont décevantes. Beaucoup de débris, une mer trop agitée et peu de sable. N’étant pas un grand amateur de tourisme soleil, je peux toutefois affirmer que les plages du pacifique sont cent fois mieux.


En après-midi, le 3 mars 2015, nous franchissons la rivière Sixaola, délimitant la frontière entre le Panama et son voisin du nord. Il y a une taxe de 8 $US (ou 4500 Colons costaricains, nous jugeons néanmoins plus avantageux de payer en devises américaines) à la sortie du Costa Rica. Puis, de l’autre côté du pont piétonnier (en planches de bois pourri, avec des ouvertures béantes sur le cours d’eau plus bas), on nous réclame une taxe d’entrée de 3 $US cette fois-ci. C’est un écriteau imprimé sur une feuille 8½’’-11’’, dans une poche plastique, qui justifie une telle dépense. Voilà qui est peu crédible. Nous devons argumenter quelques minutes avec des locaux pour qu’ils nous laissent passer au poste d’immigration sans acquitter le montant réclamé. Un peu plus loin, les douaniers panaméens ne semblent pas connaître l’existence de la taxe en question. Du moins, ils ne nous l’exigent pas. En fin de compte, peu importe si ce droit de passage était officiel ou non, nous ne l’avons pas payé.


Cette nuit-là, nous sommes accueillis par les premiers pompiers que nous croisons. Ils m’avaient déjà hébergé lors de ma précédente excursion au Panama et nous nous étions donné rendez-vous lorsque que je repasserais en compagnie de mon équipe cycliste. Comme toujours, nos hôtes sont fort sympathiques et intéressés par notre voyage. Ils s’enquièrent de nos besoins et partagent avec nous leurs commodités. Néanmoins, c’est plus fort que nous, nous ne pouvons nous empêcher de regretter le luxe des casernes de pompiers costaricaines. Bien que le Panama soit dans une période de croissance économique considérable, il n’est pas au niveau de son voisin du nord (je ne connais pas grand chose en économie alors, disons que je m’en tiendrai à ça). Nous sommes désormais de retour à la réalité centro-américaine : douche froide et dodo sur sol dure.


Nous poursuivons notre exploration. Le soir suivant, Anabela, habituée aux contacts avec les étrangers, nous permet de camper chez elle, tout en nous offrant un succulent repas. Elle est la première Panaméenne avec laquelle nous discutons et puisqu’elle est ouverte aux questions, nous en profitons pour l’interroger. Voici un résumé de notre discussion: selon elle, les Panaméens aiment bien les Costaricains mais n’apprécient guère leurs voisins du sud, les Colombiens, qui seraient impliqués dans le commerce de la drogue et de la prostitution (après avoir discuté avec d’autres locaux, ce préjugé semble malheureusement répandu). De plus, elle nous apprend que presque tous les petits et moyens commerçants au Panama sont des Asiatiques, souvent antipathiques. Sincèrement, là-dessus, je lui donne raison ; ils sont partout, du magasin d’électroniques aux supermarchés, et ne respectent jamais les prix qu’ils affichent (peut être parce que nous sommes des étrangers, ce qui est tout de même navrant). Enfin, fait cocasse, les bicyclettes portent des plaques d’immatriculation au Panama (afin de minimiser le vol).


Petite aventure en terre panaméenne…

Le 5 mars, nous campons aux abords du barrage Fortuna, à l’extrémité du Rio Brazo de Hornito. Pour ce rendre jusqu’ici, il nous a fallu monter et descendre de nombreuses petits côtes, pour finalement gravir un col à 1200 mètres. Cela n’est pas énorme cependant, la forte inclinaison des pentes a rendu la tâche ardue. Nous dormons bien cette nuit-là, avec vent, pluie et fraîcheur. Nous en avons grandement besoin car la journée suivante ne sera guère plus facile.


Nous décidons de quitter la route principale afin d’emprunter un petit chemin de terre (que nous recommande Googlemap), se trouvant juste après le barrage. Sur papier, nous sauvons du temps ; au lieu de faire une grosse boucle, nous descendons directement vers David District, notre objectif de la journée. Sur le terrain, la réalité est tout autre. Ce chemin n’est même pas un chemin, c’est un sentier parcourant les montagnes, avec 3 habitations et quelques bergers. Avec nos vélos, c’est une voie impraticable, n’étant pas équipés pour du hors-piste de ce genre. Je brise rapidement un rayon, en raison de toutes ses pierres parsemant la voie. Evidemment, nous sommes bien obligé de continuer notre route à pied, en poussant nos montures, les pentes étant trop abruptes, et trop rocheuses. Toutefois, l’expérience en valut la peine. Nous n’avons pas souvent l’occasion d’être immergé totalement dans la nature, loin de la route, du bruit et de la civilisation (ce qui fut vraiment agréable). Puis, les paysages furent incroyables ; nous longions une vallée et avions des vues magnifiques sur celle-ci. Plus loin, au bout du chemin (qui se rapetissait de plus en plus), après avoir traversé plusieurs champs de pâturage, il y a deux sentiers : un qui continue tout droit et un autre descendant dans la vallée. Peu sûrs de nous, nous prenons une pause. Nous avons parcourus 8 kilomètres en 2 heures. Clément par en explorateur sur le passage nous faisant face. Quant à moi, je me lance dans celui à notre droite, pendant que Jérémy demeure sur place, tentant d’arranger sa sacoche avant (qui n’arrête pas de débarquer). Suite à nos observations respectives, nous optons pour la petite allée descendant la colline, car j’y ai aperçu des habitations en contrebas. J’hésite quand même avant de m’y lancer ; une fois en bas, il sera pratiquement impossible (ou voir très difficile) de faire marche arrière.


Heureusement pour nous, c’était la bonne décision. Plus bas, nous découvrons un village. Il y a quelques maisons (en piètre état), une école et un filet de volley-ball en pleins centre (pas un terrain de volleyball en son entier, seulement un filet). Les enfants, médusés, nous observent avec grand intérêt. Ils n’ont peut-être jamais vu d’étrangers auparavant, et probablement encore moins des cyclotouristes. Tout au fond de la vallée, nous parvenons à une rivière. Il y a un pont piétonnier suspendu la traversant. C’est le seul accès au village que nous venons de croiser. De l’autre côté, il y a un chemin de terre battue qui commence (cette fois-ci, un vrai chemin de campagne, sur lequel nous pouvons rouler) et un pick-up stationné. Nous supposons que c’est le véhicule des villageois (l’unique que nous apercevons), afin de se ravitailler de temps à autre dans une ville à proximité.


Nous suivons le nouveau chemin rencontré. Il passe près d’une mine, et, puisque que les voies de la compagnie minière sont en meilleures état que celle que nous empruntons, nous nous y aventurons. Il fait chaud et il y a beaucoup de poussière. Le climat est aride de ce côté-ci des montagnes. La différence est énorme, comparé à l´autre versant des montagnes (une jungle humide) de nous venons de franchir. Enfin, nous retrouvons la route pavée. Nous savons désormais où nous sommes. Pour célébrer cette épreuve accomplie, nous dînons à l’ombre, aux berges de la rivière. Le reste de la journée se déroulera sans problème. Jérémy connait le chemin par cœur, puisqu’il est déjà passé par ici, quelques semaines plus tôt. Je m’arrête au premier village que l’on croise et emprunte quelques outils à un garagiste pour changer mon rayon brisé (tout en perçant ma chambre-à-air en changeant ce dernier). Le garagiste me passe ce dont j’ai besoin et part boire une bière dans le bar en face. Mes réparations terminés, Clément a, à son tour, une crevaison (dans la minute qui suit). Ensuite, après une montée en pente douce de 8 kilomètres avec beaucoup de vent, nous rejoignons la Via Boquete qui descend jusqu’à David. Là, Christie et son mari Joel, deux expatriés américains, nous acueillent chaleureusement. Nous passerons deux nuits chez eux. Nous profitons de ce temps de repos pour entretenir nos vélos ; ils en avaient grandement besoin après une telle journée (nettoyage complet de la transmission et changement de pédalier pour moi).


Le long de la Panaméricaine

À partir de maintenant, le Panama sera moins amusant pour nous. Il n`y a qu’une seule route qui traverse le pays du nord au sud et c’est la Transaméricaine. Nous sommes de retour au niveau de la mer, il fait chaud, il y a du vent, c’est plat (et plate), beaucoup de travaux, trop de camions-remorques, pas d’accotement. Nous nous arrêtons à chaque rivière que nous croisons pour se rafraîchir. À San Felíx (juste avant le croisement), nous campons chez les pompiers. Ceux-ci, en rigolant, m’apprennent deux nouveaux mots locaux : Chi-chi et Pechugonas, désignant une femme attirante au Panama.


Le lendemain, nous choisissons une route alternative pour prendre congé de la panaméricaine. Nous suivons alors la 5, qui passe plus au sud par Sona. Le paysage est plus vallonné, il y a très peu de trafic et les arbres offrent un ombrage des plus agréables. Par contre, les pentes sont rudes et nombreuses. Nous avons même le loisir, en chemin, de déguster le fameux fruit de la noix de cajou. Sa texture est plutôt pâteuse, il est franchement meilleur en jus. De plus, chose rare, le noyau (la noix) du fruit se situe à l’extérieur de celui-ci, collé à son extrémité.


Arrivés à Sona, nous allons au supermarché pour acheter ce qu’il nous manque. Par inadvertance, je place mon vélo dans un emplacement pour handicapé. Une voiture vient alors pour se stationner, me faisant signe de bouger ma bécane. Un peu agacé, j’obéis tout de même. César descend de sa voiture et nous fait la jasette, curieux de savoir ce que nous faisons là. Il est très gentil mais parle énormément. Je mets un terme à la discussion en lui faisant comprendre que nous devons partir, trouver un refuge pour la nuit. Or, il n’a pas l’intention de nous laisser aller. Il nous invite promptement chez lui. Dans une petite maison en béton où règne une chaleur épouvantable, César et son fils partagent avec nous nourriture, douche et même une chambre. Outre le fait d’avoir la parole un peu trop véloce à mon goût, César est un hôte hors pair.


À ce sujet, j’aime bien communiquer avec les gens, apprendre davantage sur leur culture, ce qui les touche, savoir à quoi ils pensent ; partager avec eux. Or, la plupart du temps ceux-ci désirent savoir qui nous sommes, d’où venons-nous, où allons-nous, pourquoi nous faisons cela, etc. Ce sont les mêmes questions sur le voyage qui reviennent tous les jours, ce qui est parfaitement normal, mais fatiguant à la longue (spécialement après une épuisante journée de vélo). Heureusement pour cela, nous sommes trois. Nous pouvons donc nous échanger les rôles, dépendamment de l’humeur de chacun (seul, c’est un peu plus embêtant). C’est davantage convenable ainsi.


Le jour suivant, nous rejoignons de nouveau la bruyante panaméricaine. Je suis alors une nouvelle fois confronté au vent. C’est plat à perte de vue, et il nous attaque de front. Nous parcourons 110 kilomètres cette journée-là et je n’aurais pas pu en faire plus. Je suis toujours surpris à quel point la simple force du vent peut m’épuiser. Sincèrement, bien que cela nous affecte tous les trois, c’est constamment moi qui traîne en arrière dans ces moments-là (et souvent, de loin).


Le 11, 12 et 13 mars, nous parcourons de modestes distances, variant entre 40 et 60 kms. La chaleur nous pousse à pédaler que durant la matinée, l’après-midi étant définitivement trop chaud. À San Carlos, où nous restons chez les pompiers, nous prenons le temps d’aller nous balader à la plage (nous sommes de retour du côté pacifique). Elle est moche, parsemée de rochers. Nous nous amusons tout de même au Rugby, le sport favori de mes amis français. J’ai également une infection de la peau ces jours-ci. Au bout d’une semaine, cela finira par disparaître, sans en connaître la cause.


A nous le canal de Panamá !

Nous voulons à tout prix éviter la ville de Panamá. C’est une énorme capitale et en vélo, cela n’a rien d’amusant. Nous empruntons alors la route 4, passant au nord de la métropole. C’est ce jour-là que nous admirons, aux dires de plusieurs, le plus beau joyau du pays ; le canal de Panamá. Cela faisait de nombreux mois que l’on m’en parlait, je m’attendais donc à quelque chose de grandiose. Or, je n’ai rien vu d’impressionnant là. C’est une grosse rivière (ou peut-être fleuve serait plus approprié) brune avec d’énormes cargos la naviguant. Du côté caraïbe, j’ai pu observer les gigantesques écluses, qui ne m’ont pas davantage émoustillé. Si vous désirez un jour visiter le Panamá, je vous conseille de vous y rendre pour d’autre raison que son canal.


Notre route se poursuit jusqu’à Colón, la deuxième ville en importance du pays. En vélo, il faut circuler sur l’ancienne autoroute pour s’y rendre, la 3. N’essayez pas de rouler sur la nouvelle, nous y avons tenté notre chance et la police a tôt fait de nous faire rebrousser chemin. Il y a de nombreux bâtiments coloniaux dans cette cité, qui auraient pu être beaux s’ils n’étaient pas tous en ruine. Tout ici démontre qu’à une certaine époque, Colón était une ville riche et prospère, mais désormais laissée à l’abandon. De nos jours, Colón est surtout connu pour sa «Zona Libre», un gigantesque centre commercial (peut-être de la même superficie que la ville) où l’on trouve de tout (absolument de tout) à des prix libres de taxes. Spécifions que Colón est l’entrée atlantique du canal, où circule des marchandises de partout à travers le monde.


Nous passons une journée à Puerto Davis, où j’ai pu voir les écluses dont je parle plus haut. Dans le village, nous nous arrêtons au parc central pour sécher nos tentes, mouillées de la nuit passée. Là, un groupe d’amis (de la même église) joue au Baseball ensemble. Ils nous invitent à se joindre à eux. Nous sommes dimanche, ils se sont organisés une journée d’activités en famille. Nous passons toute la journée à parler, participer aux différents jeux et manger en leur compagnie. Ils se montrent très ouverts d’esprit, sympathiques et extrêmement accueillants. En soirée, nous allons une fois de plus cogner à la porte des pompiers. Le lendemain au levé du soleil, nous retournons à Colón.


Le 16 mars 2015, après 7 245 kilomètres parcourus en 11 mois de voyage, ici s’arrête mon aventure en vélo en Amérique centrale.


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